lundi 9 juillet 2012

[Manga] Shirow Miwa, Dogs : Bullets & Carnage



Invitez vous à la table d'une belle bande de geeks, fanatiques de manga et de japanimation par dessus tout, et glissez ces quelques mots, avec une pointe de provocation sur-dosée : "Ah ouais non mais laul quoa, ahah Miyazaki ce truc de tarlouzes pédérastes. Rien ne vaut un bon gros seinen futuriste-post-apocalyptique à base de tuyaux organiques et de démons tentacules lolicons".

* Rappel : le seinen est un style de manga, reconnaissable par le caractère plus "mature" des sujets abordés. Les histoires y sont souvent plus complexes, plus violentes et moins guidées par la morale. Ainsi, là où le shonen (Naruto, Bleach, Dragon Ball) s'adresse à des adolescents, le seinen vise un public adulte.

3...2…1 !
Ca y est, le mal est fait, la bombe est lancée. Il ne vous reste plus qu'à "rename" en Enola Gay. Théoriquement, après prononciation de "l'incantation" précitée, l'assemblée entière se divisera et rejouera la guerre du Vietnam à la sauce watashi wa fanboy desu (i.e., "je suis un gros fanboy dégueulasse et je défends bec et ongles de la merde", en nippon dans le texte). Ainsi s'affronteront pro-Miyazaki, pour lesquels Totoro est bien plus qu'une grosse peluche au dynamisme comparable à celui d'un fonctionnaire lozérien, et amateurs d'SF post apocalyptique, dans un échange de claquements de langues et d'argumentaires cinglants.

Parmi les belligérants on trouvera sans doute Eugène Martin, plus connu sous le pseudonyme d'Eugène-san ("parce que ça fait genre… plus nippon quoi"), petit ami de Kawaï_Marie_34. Fervent défenseur des hentais@femmes troncs et du seinen post-apocalyptique, ce dernier n'aura de cesse d'avancer la supériorité des univers cyber-punky-gloomy, en invoquant, à titre d’argument ultime, le noms des grandes œuvres du genre : Gunnm, Akira, Blame! (oui, j’ai bien dit Blame! – je vous emmerde monsieur), et j'en passe.

En la matière, ces pièces font autorité et je ne saurais remettre en cause leur place dûment méritée sur l'échelle de l'awesomeness. Pourtant le seinen post-apocalyptique ne se limite pas à ces seuls classiques et m'est avis que l'on a trop souvent tendance à oublier de nombreuses œuvres. Intéressant, tant par la qualité du scénario et des dessins, que par son originalité, Dogs : Bullets and Carnage entre dans ladite catégorie et mérite à ce titre son billet sur l'1Pertilol.


 

DOGS : BULLETS & CARNAGE.


Dogs est la première série de mangas entièrement réalisée par Shirow Miwa. 
Sa publication japonaise a débuté mi-2005 dans le magazine Ultra Jump*, avant d'être découverte (et traduite) en France par la team Iscariote, puis licenciée chez Panini Manga. A ce jour, elle compte un tome introductif (Dogs : Chiens errants hurlant dans la nuit), initialement présenté comme un one-shot, auquel s'ajoutent six autres tomes (Dogs : Bullets & Carnage). Notons enfin que le tome introductif a fait l'objet d'une adaptation animée : un OAV de quatre épisodes assez faiblard, manquant cruellement de punch. Et de toute manière, dans le registre de l’animé, je ne pourrais que vous conseiller de préférer ce bon vieux Cowboy Bebop ; vos yeux, oreilles et autres glandes lacrymales vous remercieront.


 

Dogs : de la SF post-apocalyptique ?

 

Pourtant annoncée comme telle, l’œuvre tarde à présenter les caractéristiques qui sont celles d'une société nouvelle, construite sur les ruines d'un monde ancien, balayé par un évènement catastrophique, si bien que la question-titre paraît légitime. Dans les premières pages de la série, Shirow Miwa dépeint l'environnement de Dogs en s'inspirant d'une architecture aussi contemporaine qu'européenne, nous ramenant sans cesse au quotidien : notre quotidien. A priori, il n'est ni question de modification génétique ou robotique, ni de longs souterrains jonchés de tuyaux ; autant d'éléments consubstantiels au genre que l'on retrouvait, à titre de comparaison, dans l'incroyable Akira de Katsuhiro Otomo à travers "Néo-Tokyo" (une nouvelle capitale née des cendres de Tokyo), la "Troisième guerre mondiale", ses bases militaires souterraines, les manipulations génétiques.

Néanmoins, Shirow Miwa ne dupe pas son lecteur : Dogs est bel et bien une série de science fiction post-apocalyptique, et il lui faudra goûter aux premiers chapitres avant de le découvrir. En effet si les œuvres précédemment citées (Akira, Blame, Gunnm) nous plongent directement dans un univers sombre, dévasté, par la technologie pansé, Dogs à cette particularité (un avantage, je ne sais pas ; une originalité, sûrement) de jouer la carte de la discrétion. Ici, rien de profondément malsain, et ce n'est qu'épisodiquement que des indices nous sont livrés sur l'état de la ville dans laquelle vivent nos héros. Nous sommes dans le futur. Autrefois il y avait quatre saisons. Des humains hybrides, vestiges du passé, furent crées par l'Homme. Les sous-sols sont habités et dissimulent bon nombre de secrets.
Ainsi, commençant par une banale histoire de mafia, l'histoire va progressivement s'enraciner dans une intrigue occultant les traits communs de la vie réelle, mêlant manipulations génétiques et destruction. Nous sommes donc dans de la science-fiction post-apocalyptique.




Un scénario pour quatre chiens errants.


Cette intrigue s'articule autour de quatre personnages, quatre wandering dogs profondément différents et indépendants, dont les destins respectifs s’entrelaceront progressivement.



Tout commence lorsque Mihaï, ancien tueur à gage à la solde d'un mafieux local, foule d'un pas lourd l'épaisse neige tapissant la ville. Alerté par le parricide de feu son "boss", l'homme au poil grisonnant refait surface et renoue avec les démons du passé pour lever le voile d'ombre couvrant tel un linceul, le cadavre de celle qui fut, plusieurs années auparavant, sa maitresse : Milena Teslawska.

Poissard comme pas deux, Mihaï croisera la route de Badow Nails. Reconnaissable par ses cheveux roux, son eyepatch de pirate (ou, au choix, de militant FN) et une attirance déraisonnée pour la cancéreuse, Badow est l’informateur fauché de la bande. Préférant les missions aussi ingrates que mal payées, notre ami rouquin a la fâcheuse manie de se foutre dans la merde ; une merde noire dans laquelle il entraine bien volontiers ses potes de la gâchette pour des rencontres explosives. Heureusement, Badow peut compter sur l’aide « surhumaine » d’Heine Rammsteiner, un petit blondinet à la détente facile sur lequel les balles ont autant d’effet qu’une conférence internationale sur le réchauffement climatique.

Enfin, à ces destins se joint celui de Naoto, une jeune orpheline qui apportera son lot de « boobz » à la série (parce qu’à un moment faut arrêter de tourner autour du pot : un manga sans le 95D des familles n’est pas un manga. Ou alors on tape dans le « lolicon » - si tu ne connais toujours pas, google saura t’éclairer… C’est pas ma faute ; c’est 4chan ! -).

Et donc, tout ce beau monde se retrouvera confronté à une menace de grande ampleur, venue du fin fond des profondeurs, et avec laquelle ils semblent inexorablement liés. J’en dis pas plus.





Alors c’est bien cool toussa, mais…

L’idée de faire reposer l’histoire sur quatre héros, a priori sans lien commun, aurait pu être excellente si toutefois l’auteur leur avait donné une importance égale. Seulement voila... Shirow Miwa a, et c’est regrettable, un peu trop tendance à mettre la focale sur Heine et Badow et délaisse tout particulièrement le rôle d’un Mihaï, dont les rares apparitions ne permettront en rien d’en apprendre davantage sur ce Léon-bis. En effet, celui-ci passe plus de temps à subir les évènements qu’à s’en servir pour se dévoiler face au lecteur.

A cela s’ajoute une psychologie des personnages inégalement travaillée. A côté d’un Heine complètement torturé et d’un Badow qui se révèlera simple, hilarant, mais aussi cruellement touchant, Naoto peine à intéresser. Véritable « pièce rapportée », la jeune fille répond à tous les clichés du manga. Après avoir assisté à l’assassinat de ses parents, Naoto fut recueillie par un expert en arts martiaux. Rongée par un profond désir de vengeance, elle apprendra à manier l’arme blanche et deviendra ce fameux garçon_manqué_trop_dark_et_solitaire que l’on retrouve, grosso merdo, dans à peu près… tous les shonens (Dragon Ball ? Vegeta... Naruto ? Sasuke... One Piece ? Zorro - un cavalier, qui surgit hors de la nuiiiit ! Le gouvernement Ayrault ? Arnaud Montebourg.). Originalité level : OVERNINETHOUSAND !
My gad, comme si la présence de tous ces éléments, incarnés par Naoto seule, constituaient une obligation que tout mangaka se doit de respecter à la lettre…

Au fil des chapitres, Naoto s’enferme dans les clichés vus et revus.

Bref, vous l’aurez compris, Shirow Miwa semble être tombé dans ce piège qui consiste à préférer certains personnages à d’autres, vous poussant à écrire des tartines sur les premiers (le dernier tome paru est quasi-exclusivement dédié à Heine Rammsteiner, un bonhomme qui occupait déjà une place écrasante dans l’histoire) et à faire de ces « autres » des protagonistes malheureusement dispensables, bien souvent plats et dont le lecteur fini par regretter l’existence, s'il ne l'ignore pas déjà…


Mais, mais, mais… Le tableau n’est pas si noir et le traitement des personnages reste, dans l’ensemble, très plaisant. Chaque héros dispose d’un caractère particulier, offrant à l’auteur la possibilité d’alterner le ton du récit. Par sa malchance légendaire, Mihaï dépite le lecteur ; Badow apporte son lot de fou rire et d’instant 100%badass ; Heine redonne un peu plus de sérieux à l’ensemble ; et Naoto… Non vraiment, je cherche…
Les procédés de narration nous font donc réagir en titillant nos sentiments respectifs, ce qui demeure, j’en suis convaincu, l’objectif premier d’une œuvre réussie.

 

Badow trop badass. Manque plus qu'une punchline à la Seth Gheko.*

*"Patate de forain, tête de roumain, zgeg de poulain, tu peux pas faire plus masculin."




Comme un parfum de poudre et d'acier.


L’autre gros point fort de Dogs : Bullets & Carnage est à trouver dans ses scènes de gunfight. Le titre ne trompe pas le lecteur et propose son lot de combats furieusement nerveux, et là tout le monde s’y colle ! Qu’il s’agisse de Mihaï qui n'a pas perdu la main, de l’increvable Heine, délivrant la mort sans ordonnance à coup de Mauser C96, d’un Badow en sérieux manque de nicotine (écrasez lui sa dernière clope au visage et vous gagnez un aller simple dans la boite à sapin) ou de Naoto, préférant de loin l’usage des lames, chaque baston est un véritable régal : ça tranche,  les douilles pleuvent, on sent le soufre (FUCK YEAH ! Du hack’n slash en manga).

Non, parce qu'il faut tout de même avouer que Shirow Miwa excelle sans commune mesure dans l’illustration des combats. Ses dessins au dynamisme soigneusement épuré apportent leur lot de violence et de lisibilité aux scènes d’action, tandis que ses cadrages inspirés du cinéma les magnifient. Bref... Bien plus qu’un scénario (qui n’est d'ailleurs pas mauvais en soi, loin de là), l’auteur nous sert une ode à la violence ; une violence non pas vicieuse, mais incroyablement bourrine et donc, particulièrement jouissive. 

Le découpage de cette scène est un vrai plaisir pour les yeux.
                                         
Seule ombre au tableau (vous l’aurez compris, je suis du genre casse-couille), les affrontements entre Heine et son grand rival Giovanni qui ont tendance à s’étaler plus que de raison, n’apportant strictement rien au récit : ni réflexion (LAOL) ni suspens, dans la mesure ou ces deux frères ennemis sont – Christophe Lambert, tmtc – tout simplement immortels. En gros, ils passent leur temps à s’éclater la tronche à coup de 9mm en sachant très bien qu’aucun d’entre eux ne choira (Que j’aime ce verbe. C’est de la diarrhée lexicale). C'est assez gonflant.



Bref... !


Pour résumer,  Dogs : Bullets and Carnage est une œuvre qui n’est certes pas exempt de tout défaut, mais qui demeure profondément distrayante. Le scénario est intéressant, bien ficelé et sait jouer sur les émotions. Le dessin est à la fois dynamique et subtile, faisant de chaque scène d’action un pur moment de bonheur. Dès lors, je ne saurais que vous conseiller d’acheter le tome introductif pour vous faire une idée et voir si la série serait à même de titiller votre intérêt.



Coutsait - Cet article n’engage que son auteur.



1 commentaire:

  1. The Gardening Death1 octobre 2012 à 10:16

    J'avais des espoirs pour Naoto—je pensais qu'elle aurait été le personnage complémentaire de Heine. On avait tout: l'albinos, la brune; le mec encimenté à son passé pour qui "demain n'a pas d'importance" et celle qui a l'ébauche d'un mouvement vers l'avant; même les relations à Nill avaient tracé une piste. Elle ne demandait qu'à être suivie.

    Je ne mentirai pas: j'attendais du yuri.

    Puis clonediabolique#n est revenue, et la brunette a perdu de tout son intérêt pour devenir une loque molle. /!/ Attention! Tout ce qui touche ce personnage perd violemment son intérêt! Gare!
    (Même Mimi est plus intéressante, c'est dire.)

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