samedi 10 mars 2012

Les failles de la démocratie partisane chez Les Verts

(Cet article n'engage que son auteur)
Quelques éléments de compréhension de la difficile campagne d'Eva Joly...

Si le parti Les Verts a une large part de démocratie interne liée à trois facteurs que leur idéologie met en avant (le pluralisme, l'égalitarisme et la participation), celle ci présente certaines limite. Des limites qui font que la démocratie interne est imparfaite et d'autres qui font que la démocratie interne est elle-même une limite à l'intégration du parti dans le jeu politique.



En 2002, 52 % des adhérents et 80% des élus et des cadres du parti se déclaraient peu ou pas satisfaits de leur parti.
En cause, les votes sur l’opportunité d’un vote, tout aussi fréquents que les débats sur la nécessité de débattre, suscitent railleries et moqueries à l’extérieur du parti et l’exaspération grandissante de certains militants.
Trois points ressortent en tant que limite: les statuts et le fonctionnement interne, l'absence de centralisation et le manque de confiance inhérent au parti.


Statuts et fonctionnement interne
  • Les textes 
Les textes fondamentaux des Verts sont sources de blocage. Leur opacité, laisse non seulement la place à des interprétations diverses et variées mais contribue aussi à rendre leur invocation dramatique. Car en effet, comprendre et utiliser les textes n’est pas à la portée de tous. Une large majorité des militants sont démunis devant l’invocation aux textes car ils ne les maitrisent pas et ne peuvent donc ni les utiliser pour défendre leurs positions ou les pratiques démocratiques du parti, ni avoir un esprit critique sur les allusions des autres aux textes. Le risque est donc l’indifférence de certains militants car, pour reprendre une formule de Bourdieu, « l’indifférence est une manifestation de l’impuissance ». Les non-initiés doivent donc prendre pour argent comptant les références aux textes ce qui favorise grandement l’instauration d’une « culture du soupçon » mise en évidence par Florence Faucher.
Il y a là un paradoxe. Alors que les verts inscrivent dans leurs statuts une démocratie interne théorique, cela nuit dans les faits à l'instauration d'une véritable démocratie interne.

  • Le fonctionnement des institutions, les failles d’une démocratie partisane 
A la base du fonctionnement démocratique, se trouve le régionalisme, ce système hybride entre congrès et assemblée générale: chaque région a une assemblée générale avec une grande autonomie et nomme des délégués au niveau national dans un conseil national inter-régional (CNIR). Mais il apparait que toutes les régions ne sont pas aussi bien représentées. Ainsi, l’Ile-de-France a une influence considérable tandis que d’autres sont quasi-inexistantes sur le plan politique.
« Le régionalisme chez les Verts est une rhétorique puissante plus qu’une réalité organisationnelle concrète » (Florence Faucher).
De plus, le régionalisme apparait peu démocratique dans le sens où l’information navigue certes extrêmement bien dans la verticalité mais où la communication horizontale entre régions est rarement développée.
Une autre institution est le collège exécutif. C’est un organe structurellement faible. il est largement dépendant de la cohésion d’une équipe politique plurielle, composée de différentes sensibilités qui s’équilibrent permettant une représentation plurielle. Chaque membre est choisi non pas pour ses compétences mais pour son appartenance à une sensibilité ou à une minorité, afin d’assurer la représentation de tous, et donc la démocratie. Quand il y a de fortes tensions entre sensibilités, l’équipe ne peut pas être cohérente. Pour trouver un accord sur une personnalité, le poste, la responsabilité à lui donner, il faut trouver le consensus ou la majorité absolue. Chaque prise de décision apparaît donc extrêmement problématique.
Ces « sensibilités » sont l’essence même de l’existence d’un débat interne continu qui assure le caractère démocratique de l’organisation partisane mais contribuent également à brouiller l’image du parti, à la rendre flou, un peu à l’image des courants socialistes, et à cristalliser les conflits.

C’est cette volonté démocratique de donner une voix à chaque sensibilité sans que l’une prenne le pas sur les autres qui fait que l’organisation rechigne à désigner un vrai chef, une vraie doctrine. 



Les limites de l'absence de centralisation d'un parti rattrapé par la loi d'airain de l'oligarchie
  • Pas de doctrine unique mais une clause de conscience. 
Qui dit démocratie, dit pluralisme. Les verts, par souci de pluralisme interne, s’opposent donc à l’idée même d’imposer une doctrine unique. Avec la mise en place de leur « clause de conscience », le pluralisme tant chéri par le parti fait place à la dissidence qui s’ancre dans les institutions : S’opposer publiquement aux décisions majoritaires du parti ne peut plus, ou presque, être sanctionné.

  • Pas de leader 
"Le message est important, pas le médium" affirment ainsi les Verts.

C’est pourquoi, la plupart des personnes ayant accédées au poste de secrétaire national ont été choisies pour leur faible caractère, leur faible charisme mais aussi pour leurs compétences d’organisateurs ou leur capacité de fédération, d’arbitrage entre les sensibilités. En somme, une personne de consensus, la plus faible possible, synonyme d’accord a minima entre les sensibilités. Mais voilà, l’absence d’un véritable leader peut nuire à la portée du message et être plus qu’handicapant dans une élection présidentielle. Le système médiatique a besoin d’un point où se focaliser, d’une personne vers laquelle tourner micros et projecteurs. Le système politique national de la cinquième république a quant à lui besoin d’un leader pour incarner la volonté du parti et la porter devant le peuple. La démocratie partisane telle qu’elle est configurée, sans chef, sans doctrine unie, apparait donc décalée des systèmes politiques et médiatiques.

  •  La loi d’airain de l’oligarchie rattrape les verts
La loi d'airain de l'oligarchie a été formulée par Roberto Michels. Elle dit que toute organisation finit par engendrer une oligarchie.
Les postes de délégués lors des assemblées départementales, sont-ils occupés par n’importe quels adhérents ou une oligarchie, fléau désigné par les verts, s’est-elle développée ? Eh bien, ce sont les militants les plus investis, qui maîtrisent la complexité des procédures, des textes et qui ne sont pas découragés par l’éloignement et la durée des réunions qui se font élire. Il y a donc une compétence technique qui sépare les militants investit des militants lambdas.
De plus, des réseaux sociaux et d’influence peuvent être calqués sur les sensibilités. Appartenir à une sensibilité est alors un atout car cela permet d’intégrer un réseau où l’information et l’échange de faveur peut amener un militant à s’élever dans le parti.
Les verts sont donc constamment en train d’essayer d’échapper à la loi d’airain de l’oligarchie.


Un manque de confiance

Le paradoxe vert est de proclamer leur foi dans la nature humaine alors qu’il leur semble très difficile, voire impossible pour eux de se faire confiance les uns les autres.
C’est la prise de décision qui en pâtit car cela ralentit considérablement son processus. Quand la suspicion règne, occuper un poste à responsabilité devient extrêmement fatiguant, usant et cela nuit au fonctionnement du parti. Cela peut même freiner les élans voire stopper net les initiatives qui auraient pu voir le jour.
Alors que les règles de fonctionnement qui garantissent la démocratie interne sont de plus en plus utilisées, la confiance diminue de plus en plus, une confiance qui est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie participative.

Le parti des Verts est donc dans une certaine mesure un modèle de démocratie partisane, mais un modèle largement imparfait et qui a beaucoup de mal à s’inscrire dans le système.
Si le pluralisme, l’égalitarisme et la participation sont trois notions fondamentalement à la base du fonctionnement interne du parti, les Verts ont échoué à créer une culture de la confiance. Florence Faucher voit un remède à ce mal inhérent au parti : « c’est le style des interactions qui devrait être l’objet d’une réflexion bien que ce soit aussi certainement le plus difficile à changer ». La cohésion, la confiance, la solidarité sont des idées que le parti n’arrive pas à intégrer. Cet échec à passer outre la suspicion est un frein à la délibération et au consensus.
L’image qui en ressort est un modèle de démocratie partisane, qui fonctionne relativement bien pour lui-même, qui fait une large place aux individus, mais qui a de graves difficultés à se mobiliser d’une seule voix pour atteindre son objectif : gagner une élection.

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